Quatre drogues, mille promesses

Au cours des dernières années, une dizaine de chercheurs ont déjà obtenu des résultats encourageants – voire renversants – en utilisant des hallucinogènes pour traiter un large spectre de troubles mentaux. Une douzaine de nouvelles petites recherches sont en cours. Survol.

LES EFFETS RESSENTIS

LSD

Il modifie radicalement les perceptions visuelles et sonores, ce qui donne l’impression de faire un « voyage », parfois même une expérience mystique. Cependant, il peut aussi provoquer des crises d’angoisse et même des hallucinations récurrentes. L’expérience étant longue (de 6 à 12 heures) et très intense, le LSD ne crée pas de dépendance. D’autant plus que son effet diminue avec l’usage.

PSILOCYBINE (CHAMPIGNONS HALLUCINOGÈNES)

Elle provoque des effets similaires, mais moins prononcés que ceux du LSD, et ceux-ci durent deux fois moins longtemps. Elle n’entraîne pas non plus de dépendance.

MDMA

Proche des amphétamines, la MDMA peut rendre accro à la longue. Elle provoque par contre une expérience moins visuelle et moins déboussolante que le LSD. Elle rend confiant, calme, énergique et plus introspectif. Elle exacerbe les sens et provoque un sentiment d’amour, de compréhension à l’égard des autres.

AYAHUASCA

Utilisée lors de rites spirituels dans des cultures indigènes, l’ayahuasca a un effet hallucinogène quasi immédiat (altération de la vision, des couleurs et parfois expérience de mort imminente), qui dure moins d’une heure.

LES EFFETS SUR LE CERVEAU

En 2012, 30 sujets ont reçu une injection de psilocybine ou de solution saline (comme placebo) à l’Imperial College de Londres, tandis qu’on captait des images de leur cerveau grâce à la résonance magnétique. Les chercheurs ont ainsi découvert que la psilocybine facilite la récupération de souvenirs autobiographiques, qu’elle connecte temporairement des zones cérébrales qui ne se parlent pas d’ordinaire et qu’elle active les zones primitives liées aux émotions, tout en désorganisant la zone associée à la conscience de soi et au raisonnement. Cette perturbation permettrait de se libérer de schémas de pensée pathologiques, comme si on redémarrait un ordinateur.

L’an dernier, la même équipe a aussi utilisé cette technique pour étudier le cerveau de 20 sujets qui avaient ingéré 75 microgrammes de LSD. Selon elle, les résultats – en cours d’analyse – montrent des « effets assez profonds » sur l’activité cérébrale, qui semblent similaires à ceux de la psilocybine.

L’été prochain, des chercheurs de l’Université de Cardiff observeront les effets de la MDMA sur le cerveau d’ex-militaires en train de lire des textes relatifs à leurs traumatismes. Pour l’instant, ils savent seulement que la MDMA provoque la sécrétion d’ocytocine (une hormone liée à la confiance à l’égard d’autrui), contrairement au LSD et à la psilocybine, qui s’attachent aux récepteurs de sérotonine (aussi ciblés par certains antidépresseurs). 

LE POTENTIEL THÉRAPEUTIQUE

TROUBLE OBSESSIONNEL-COMPULSIF (TOC)

Neuf sujets souffrant d’obsession-compulsion chronique et difficile à traiter ont vu leurs symptômes diminuer après avoir pris de la psilocybine à l’Université de l’Arizona. Des chercheurs de Zurich espèrent maintenant tester son efficacité pour traiter les troubles alimentaires, proches du TOC.

ANXIÉTÉ

Pris lors d’une séance de psychothérapie, le LSD a diminué les symptômes d’anxiété de 12 malades suisses atteints de maladies mortelles, recrutés par le psychiatre privé Peter Gasser.

À l’Université de Californie à Los Angeles, la psilocybine s’est révélée aussi efficace pour soulager l’anxiété de 12 cancéreux en phase terminale. Les résultats obtenus par la suite chez 75 autres malades (recrutés en deux groupes distincts par la même université ou par l’Université de New York) seront publiés bientôt.

Vu les résultats obtenus avec le LSD et la psilocybine, le psychiatre californien Phil Wolfson vient d’être autorisé à évaluer l’efficacité de la MDMA pour réduire l’anxiété chez les mourants. L’Université de Californie à Los Angeles vérifie de son côté si la même substance peut réduire l’anxiété de 12 adultes autistes.

SYNDROME DE CHOC POST-TRAUMATIQUE

Douze Suisses et 21 Américains souffrant de choc post-traumatique ont vu leurs symptômes diminuer après avoir pris de la MDMA. Les premiers ont été recrutés par le psychiatre Peter Gasser et les seconds, par l’Université de la Caroline-du-Sud.

Des études en cours (en Caroline-du-Sud, à Vancouver, au Colorado et en Israël) ciblent plus précisément 70 ex-soldats, policiers ou autres individus en santé ayant vécu un traumatisme soudain plutôt qu’une vie d’abus.

ALCOOLISME ET TOXICOMANIE

Après avoir pris de la psilocybine à l’Université du Nouveau-Mexique, plusieurs des 10 alcooliques ayant pris part à l’étude ont réussi à rester abstinents.

Devant ces résultats prometteurs, le chercheur est en train de préparer une étude plus vaste, auprès de 180 personnes, dont la moitié recevront un placebo. Il tente par ailleurs d’obtenir les autorisations requises pour vérifier si le LSD a les mêmes vertus (trois psychiatres de la Saskatchewan ont en effet rapporté avoir guéri des dizaines d’alcooliques grâce au LSD, dans les années 50 et 60).

En Colombie-Britannique, 12 autochtones dépendants aux drogues ont vu leur état s’améliorer lors d’une retraite de psychothérapie de quatre jours, durant laquelle ils ont bu de l’ayahuasca sous la supervision d’un médecin de Vancouver, Gabor Maté.

TABAGISME

Douze des quinze fumeurs ayant consommé de la psilocybine à l’université américaine Johns Hopkins étaient toujours abstinents après six mois, un taux de succès de deux à trois fois plus élevé que celui des autres méthodes.

Une nouvelle étude auprès d’un plus grand nombre de fumeurs permettra de prendre des images de leur cerveau.

DÉPRESSION

Ce printemps, les chercheurs de l’Imperial College de Londres commencent à étudier l’efficacité de la psilocybine pour traiter la dépression. Des recherches sur la kétamine – un dissociatif utilisé comme anesthésiant et vendu illégalement dans la rue sous le nom « spécial K » – montrent que son administration par voie intraveineuse permet de soulager en quelques heures les symptômes de la dépression. Les effets secondaires sont importants, mais cela pourrait sauver la vie de personnes suicidaires, le temps que les antidépresseurs classiques produisent leur effet.

CÉPHALÉES VASCULAIRES (cluster headaches)

Du LSD modifié, pour le rendre non hallucinogène, a réduit significativement le nombre de migraines dites « suicide » chez six patients traités à l’Université Harvard et à l’École de médecine de Hanovre, en Allemagne.

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